Le dépôt de Vaudrevanges Patrice Brun
Les gens Ces âges du Bronze et du Fer habitaient des maisons de bois, terre et chaume qui ont laissé des traces ténues, bien difficiles à identifier. Ils faisaient le ménage et n'abandonnaient que des objets hors d'usage et de faible valeur dans les fosses à détritus. Ils ont heureusement déposé des armes, parures, équipements équestres, outils et vaisselles métalliques dans les tombes des puissants. Mais à l'âge du Bronze, ils les ont entreposés en plus grands nombres encore dans des sortes de cachettes que les archéologues appellent des dépôts. Ces dépôts sont très abondants et, pour beaucoup d'entre eux, il y a lieu de penser qu'il n'était pas prévu de les récupérer. Il convient dès lors d'imaginer des pratiques ritualisées d'offrandes sacrificielles à des forces surnaturelles pour s'en assurer la bienveillance. Ces pratiques pouvaient aussi être utilisées par les membres de l'élite sociale pour afficher publiquement leur puissance en procédant à ces abandons ostensibles d'une partie de leurs richesses.

Le dépôt de bronzes de Vaudrevanges (Wallerfangen en allemand) est intéressant à cet égard. Il à été découvert au milieu du XIX* siècle en Sarre, tout près de l'actuelle frontière franco-allemande. Une fosse avait été creusée sur une petite colline entourée de marais, à un kilomètre d'une mine de cuivre exploitée dès l'époque romaine au moins. Au fond, avaient été entassés ces parures (vingt-six lourds bracelets, quelques gros boutons et des pendentifs), quatre haches et même les deux valves d'un moule de hache, ainsi que quatre montants et deux canons de mors, avec de probables pièces de char. Un tintinnabulum (ensemble articulé, supposé suspendu au cou d'un cheval, composé d'un grand oisque contre lequel deux plus petits venaient s'entrechoquer lorsque l'animal bougeait) reposait dessus et supportait lui-même deux grandes phalères (appliques circulaires convexes supposées orner le harnachement). Une épée avait été installée sur le tout avant le rebouchage terminal.

Ce petit trésor de 65 objets évoque un attelage cérémoniel et musical de deux chevaux, un guerrier, des gens richement parés et des artisans (bûcherons, charpentiers et bronzier), bref tous les secteurs d'activité où le métal tenait une place déterminante. Ici, l'épée signe, an quelque sorte, la cérémonie, suggérant le contrôle exercé par l'aristocratie militaire sur la circulation du métal devenu crucial dans tous les domaines d'activité ût, par conséquent, sur la société.

Notons le caractère très symbolique de ces pratiquas où ne figurent jamais ou presque une panoplie complète, ou Téme un assortiment complet de harnachements. L'évocation â l'aide d'une partie pour le tout semble en effet suffire, témoin la fiction peut-être voulue dans çe dépôt de Vaudrevanges, des brides complètes pour deux chevaux, alors que les anneaux de fixation des canons des mors s'avèrent trop grands pour être correctement assemblés avec les montants courbes.

Le dépôt d'un autre tintinnabulum a été découvert â Vaudrevanges. Entre Rhin et Moselle, ce sont au total seize dépôts (près de cinq cents objets en tout), au contenu très variable par le nombre et la fonction des objets, que les archéologues rassemblent en raison des grandes ressemblances morphologiques de la majorité des pièces de bronze. Dans cette zone occupant la Sarre et le nord de la Lorraine, existait au IX* siècle avant J.-C. une communauté culturelle faite de relations intenses d'échanges de toutes natures et où la productions de cuivre (l`un des deux composants du bronze avec l`ètain) a pu jouer un role majeur.